mardi 5 novembre 2013

sur la route de Kemper

Sur la route de Kemper,

Chère Camille,.  Je suis morbihannais, ouvrier depuis plusieurs années déjà et par ailleurs j'ai fait le choix de Quitter le Parti  il y a de cela quelques semaines lassé que les rodomontades vallsiennnes dissimulent les reculades de Hollande.

Je ne viens pas ici défendre les écologistes. Ils se défendent bien assez tout seul. Je ne viens pas parler de Mélenchon. Il s'enfonce bien assez tout seul.

C'est plutôt ta défense des patrons qui m'a interpellé. Tu écris que " ce sont les « patrons voyous qui ont plongé la Bretagne dans le lisier » comme on me l’a fait remarquer, mais pourquoi ont-ils fait cela ? Qui leur a fait croire que ce système productiviste était l’avenir ?"  Ben tu vois j'ai relu ta phrase plusieurs fois depuis hier soir , j'y réfléchis encore en écrivant ces lignes et je reste encore pantois. Mais si c'était le cas je recommanderais chaleureusement à ces êtres sensibles d'abandonner leur entreprise au main des salariés par le biais d'une SCOP. Hamon a bien bossé sur ce sujet et les salariés ne feront pas pire que ce qu'on a déjà vu.Veux tu vraiment nous faire croire qu'un patron comme Charles Doux, 145 e fortune de France depuis ^plusieurs années a choisi de construire un groupe industriel d'un fort beau gabarit seulement abusé par je ne sais quel gourou alors que lui ce dont il rêvait c'était de fonder un phalanstère avec ses potes ? Veux tu passer sous silence le fait que Charles Doux a réussi à duper ses salariés en les licenciant, ses éleveurs payés à plus de 130 jours, ses consommateurs avec ces poulets fourgués comme halal alors qu'il ne l'était pas et ces primes accordés aux dirigeants alors que le groupe était déjà dans le rouge et ces pouvoirs publics placé devant le fait accompli lors du plan social . A tu vu une fois le Medef se désolidariser ?  Veux tu vraiment nous faire avaler comme si nous étions des adhérents de l'UMP que les patrons du Medef seraient les premières victimes de la crise ?  Veux tu ignorer toutes les luttes sociales menées de haute lutte dans ces usines depuis des années pour obtenir de meilleures conditions de travail, de meilleures salaires ou bien parfois simplement pour sauver des emplois en danger ? Veux tu ignorer le fait que bien souvent, trop souvent il n'y avait même plus ces luttes, même plus ces grève juste de la résignation qui s'abat comme des briques sur les têtes  parce que tout était perdu ? J'ai travaillé chez Doux à Locminé. Il m'en reste encore de la colère, des poings qui se serrent et la certitude absolue que ceux qui ont décidé de cette fermeture n'ont pas les mêmes intérêts que moi, même s'ils prennent en souriant les flyers de l'UDB ou du NPA. J'ai contemplé avec stupéfaction la résurgence de la revendication des primes à la restitution. Ces primes à l'export étaient sur la sellette depuis au moins le début du XXIe siècle et avaient même été évoqué lors du Cycle de Doha. Ce sont ces primes à l'export qui ont en grande partie destabilisés l'agriculture vivrière dans des pays comme le sénégal parce que les poulets de l'UE étaient vendus bien moins cher que les poulets locaux. Une rente de situation pour l'industrie agro alimentaire. Tous les syndicats de l'agro alertaient depuis des années sur la disparition programmée de cette aide. Que croyez vous que fit le patronat ? Il vient encore de mobiliser ses salariés pour récupérer sa rente en assurant qu'il n'a pas eu le temps de se préparer. Mais par contre ce sont les bureaucrates parisiens qui ne comprennent pas les réalités. Tu ne t'es pas demandé si derrière ce vocable de "bureaucrate parisien" dans la bouche de ces bien aimables patrons il ne fallait pas entendre " inspecteurs du travail " ou " service hygiène " ?
Les vies d'ouvriers pour de tels gens sont de simples jeux.



Pour ce qui est de la FNSEA et de son aptitude admirable à socialiser les pertes et privatiser les bénéfices il suffit d'entendre Thierry Merret qui lui aussi réclamait la fin des réglementations tatillonnes ( qu'on arrête de prêter attention à la qualité de l'eau en Bretagne pour le dire plus clairement) retour aux primes à l'exportation. C'est que l'on a à la FNSEA un discours aux médias  pour dénoncer les ronds de cuirs de l'administration et en pratique un goût pour la rente et une sainte horreur de toute avancée vers la transition écologique qui remettrait en cause leur modèle.
Parce que oui j'assume sans le moindre problème le fait que la Bretagne va bien devoir y passer elle aussi à la transition écologique et que la taxation des transports ne me paraissait pas la plus mauvaise solution. Ce n'est pas l'écotaxe qui est responsable des milliers d'emplois perdus dans l'agro-alimentaire. C'est un modèle économique épuisé. Parce qu'il ne profite à de moins en moins de monde. Nous devrions saisir cette occasion pour refonder le modèle économique breton. Au lieu de cela c'est Troadec qui ira à Matignon demain au côté du Medef et de Thierry Merret pour la FNSEA. Je vais te faire une confidence. Il n'est pas sûr qu'ils discutent sur la base des flyers de Breizhistance que tu as distribué avec tant d'ardeur. Mais puisque tu t'es si bien entendu avec ces patrons, tu ne devrais pas être trop déçu.
Je suis par ailleurs prêt à souscrire à toute les demandes d'éclaircissement sur le dossier de Ecomouv. Je souhaite qu'une commission d'enquête parlementaire mette tout le dossier sur la table. Mais je ne confonds pas le principe d'une taxe et la façon dont celle ci est mise en oeuvre.

Enfin j'aurais aimé que tu ne paraisse pas réserver pas tous tes coups à la gauche au point d'ignorer que Marc Le Fur qui figurait lui aussi dans la même manifestation que Philippe Poutou, une rencontre qui sur Chatroulette aurait paru improbable, a bien voté l' écotaxe.
Enfin sur le Parti Socialiste. Le fait qu'il se soit fait dérober, en Bretagne, la revendication historique de la décentralisation représente quelque chose. Un  peu comme si on s'était fait voler la  Loire Atlantique, imposer un aéroport ou piquer le Mont Saint Michel.  Mais il faut bien dire aussi que is les bonnets rouges avaient un peu d'élégance ils remercieraient publiquement Pierre Moscovici qui avec son expression de " ras le bol fiscal " a fait plus pour leur préparer le terrain que 10 000 000 de flyers. Mais il parait que nous avons eu une réforme fiscale. On va voir encore des Bruno Le Roux ou des Stéphane Le Foll qui veulent faire passer pour du courage d'aller à Bruxelles proposer de surseoir à l'écotaxe et revenir à la prime à la restitution. Ceux qui nous expliquaient qu'il n'y avait pas d'alternative à leur réforme courageuse des retraites. Les poulets que j'emballe tous les jours à l'usine valent bien mieux que ce courage là.

Mais je te le dis Camille, pour ce qui est du mépris porté au prolétariat, c'est bien toi qui ici te distingue. Je ne te jette pas tant la pierre que cela. J'ai cru longtemps au discours du Bourget. Comme quoi.

Mais ce dont a besoin la Bretagne ce n'est pas que ceux qui l'ont mené à cet échec refassent payer leur échec à tout le monde. Elle a besoin de politique, de débat, de responsabilité. tous les débats doivent être ouverts, sur la décentralisation, la transition écologique .

 Tant qu'à faire de conclure je voudrais encore citer Tristan Corbière et l'un de mes vers préférés dédié à cette Bretagne des conquêtes sociales " Ils te croiront morts, les bourgeois sont bêtes ".